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title: # Maths, rationalité, ... Cet entretien avec Thierry Lhermitte va vous surprendre
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# Maths, rationalité, ... Cet entretien avec Thierry Lhermitte va vous surprendre
>Loin de son rôle dans les "Bronzés", le célèbre acteur est un féru de sciences, et notamment de mathématiques.
>Ce grand défenseur de la rationalité livre ses conseils.
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Thierry Lhermitte, le célèbre acteur de l'éternel Splendid trouve les maths sensas.
Ça l'a pris au lycée ; ça l'a repris plus tard, aux débuts de l'informatique.
Aujourd'hui, ce dévoreur d'ouvrages scientifiques et parrain de la Fondation pour la recherche médicale continue de frotter son cerveau aux défis de la déesse Mathématique.
Pour L'Express, il a accepté de revenir sur ce qui lui plaît dans cette discipline parfois si mal jugée, de creuser ce qui l'inquiète dans la baisse du niveau en France, et de donner quelques conseils pour les adultes et les enfants. Entretien-plaidoyer d'un fervent défenseur de la rationalité.
**L'Express : "Seules les maths m'intéressaient", dites-vous de vos années lycée à Neuilly, en compagnie de Gérard Jugnot, Christian Clavier et Michel Blanc...**
Thierry Lhermitte : Je ne m'intéressais pas à grand-chose. Je n'arrive toujours pas à me l'expliquer, parce qu'aujourd'hui je suis curieux de tout. Mais la seule chose qui ne me demandait pas de travail, c'étaient les maths. ==Dans cette matière, quand on a compris quelque chose, on avance. Il n'y a pas besoin de bachoter. Ce qui compte, c'est de comprendre==. Cela m'amusait, et me fascinait aussi. Dès qu'on me pose un problème, cela m'obsède. Les maths m'ont permis de décrocher mon bac C. C'était pas gagné ! [Rires.]
**Quand est-ce devenu une passion ?**
Ça m'est revenu avec le début de l'informatique. Je me suis mis à la programmation dans les années 1980. Ce qui me plaisait, ==c'était de décortiquer les étapes du raisonnement pour le rendre reproductible : casser un gros problème en petits problèmes, puis en faire un algorithme qui décompose la manière d'arriver à la solution==. A cette époque, beaucoup de "cancres" sont revenus à la science grâce à ça. L'informatique ne demandait aucune culture, juste de réfléchir. J'ai adoré, et j'ai commencé à lire des livres de mathématiques - j'ai une énorme collection d'Odile Jacob ! L'un des premiers livres dans lequel je me suis plongé, c'est Au hasard d'Ivar Ekeland sur la notion de hasard en mathématiques. C'est là que j'ai découvert que l'informatique n'arrivait pas à créer un semblant de hasard.
J'ai aussi beaucoup aimé les livres de Stella Baruk, tel L'âge du capitaine, dans lesquels cette spécialiste de la pédagogie fouille les raisons du désarroi de beaucoup d'élèves vis-à-vis des maths. Elle explique notamment que ==les mots ne veulent pas dire la même chose selon qu'ils sont employés dans le langage courant ou pour les mathématiques. Par exemple, dans la vie courante, une "fonction", c'est un emploi. En mathématiques, c'est une transformation. Cette confusion ne facilite pas l'apprentissage==. Par ailleurs, selon Stella Baruk, on apprend aux élèves à faire des opérations, sans qu'ils comprennent à quoi ça sert. On enseigne simplement à utiliser l'outil, sans le pourquoi du comment.
**Vous exercez-vous ?**
J'ai été contacté par un prof de maths qui vit à côté de là où je monte à cheval. Il m'envoie des problèmes de maths à résoudre. J'ai d'autres choses à faire dans la vie, mais, comme je suis un peu obsessionnel, je finis toujours par y revenir. L'autre fois, c'était marrant, il m'a demandé combien font 1 + 2 + 3 +... jusqu'à n. La légende veut que Gauss ait trouvé la réponse à 7 ans (en tout cas pour ce qui est d'additionner de 1 à 100). La technique est simple : visualiser sur une ligne les chiffres de 1 à 100, puis sur la ligne du dessous les mêmes nombres en ordre décroissant, de 100 à 1. Ensuite, on additionne les deux lignes : 1 + 100 = 101, 2 + 99 = 101, 3 + 98 = 101... jusqu'à 100 + 1 = 101. La réponse, c'est donc le nombre de paires multiplié par la somme de chaque paire, le tout divisé par 2. En l'occurrence : 100 x 101 / 2 = 5 050. Ou, de manière plus générale : n · (n + 1) / 2. En mettant les enfants sur la voie, ils peuvent y arriver.
Bien plus complexe : la somme de 1/1² + 1/2² + 1/3² jusqu'à 1/n² équivaut à π²/6. C'est fascinant : que vient faire Pi là-dedans ?! Je ne vous développe pas, hein, j'ai compris sur le moment, et maintenant je vous dirais que je ne suis plus si sûr... [Rires.] Parfois, en maths, on a des épiphanies, on comprend un raisonnement, c'est assez beau.
**Le niveau de la France dans cette matière ne cesse de décliner dans les classements internationaux du type TIMSS. Cela vous inquiète-t-il ?**
Les mathématiques sont indispensables, même dans les sciences du vivant. J'étais dans un laboratoire qui mesure les particules toxiques que nous avons dans notre corps. L'étude portait sur le méconium (premières selles) et le lait maternel. Ce sont des quantités minimes, qu'il faut peser. Les scientifiques arrivent, avec des spectromètres de masse, à déterminer chaque type de molécule toxique par son poids. L'unité, ce sont les daltons, soit 1,6 puissance -24 gramme. C'est très petit, ça n'est mesurable que grâce aux maths ! Pareil pour les modélisations épidémiologiques : seules les mathématiques peuvent permettre de tirer des conclusions solides des multiples données en jeu. Sans cela, on ferait au doigt mouillé. Il faut de bons matheux car les maths sont partout.
==Mais, au-delà, je dirai qu'il y a aussi un effet préoccupant de la baisse de niveau sur "l'homme de la rue" : le déclin de la logique, des ordres de grandeur, etc., c'est un carburant à la crédulité. Si on n'apprend pas le mécanisme des raisonnements mathématiques ni la logique des formules, alors toutes les formules se valent. Il n'y a plus de chemin de pensée qui soit logique ou pas. Tout se vaut. Il n'y a plus que ce qui me plaît ou me déplaît. On passe de la connaissance à la croyance. C'est le "déni de rationalité"== que décrit par exemple le sociologue Gérald Bronner.
source:
https://www.lexpress.fr/actualite/societe/maths-rationalite-raoult-cet-entretien-avec-thierry-lhermitte-va-vous-surprendre_2175856.html